Théâtre : Betty, ou l’amour qui fait mal 1


Deux amants. Entre eux, des querelles, des sentiments inavoués, des cris, des larmes. Résultat, une pièce sombre et belle, à applaudir de toute urgence au théâtre du Gymnase, à Paris.

Un soir, Betty, 40 ans, rencontre Kev, 20 ans. Karine, l’amie d’enfance de Betty, s’amuse de cette aventure qu’elle imagine sans lendemain. Pourtant, c’est le début d’une relation passionnelle et charnelle dont chacun se satisfait, jusqu’à ce que Betty en demande plus. Pour Karine, la raison doit l’emporter. Mais Betty sera-t-elle capable de refouler la vague qui la submerge ? Kev saura-t-il répondre à ses attentes ?

Carlos Bassano signe là un texte fort et juste. Il décrit des tranches de vie sincères, entre sourires et drames. Il dresse le portrait de deux femmes et d’un homme, de deux générations qui s’affrontent. Trois portraits subtils.

Betty. Mal dans sa peau, elle se jette à corps perdu dans sa relation avec Kev. Elle philosophe sur tout. Cérébrale et sophistiquée, elle peine à se laisser guider par ses sentiments. Elle cadre, tant bien que mal, son mal être. Pensant qu’elle a raté sa vie, ses moqueries d’adolescente envers ses camarades de classe deviennent des regrets qui pèsent lourd. Elle se questionne en permanence sur ses faits et gestes, est sans cesse dans la réflexion. Elle paraît forte, jusqu’au moment où tout bascule. Un rôle difficile, parfaitement interprété par Emma Colberti. Elle excelle en quadra torturée, et passe du rire aux larmes en un temps record.

Kev. Amant de Betty, il est ancré dans le présent. Mais est-ce vraiment un amant ? Quelle est sa place au sein du couple qu’il forme avec Betty ? Les apparences le limitent à un homme de chair et d’action. Il n’exprime pas ses sentiments, se questionne sur l’amour, la vie à deux. Il ne pense qu’à s’amuser. Vraiment ? Sous ses airs de “petit branleur”, Kev aspire à une vraie histoire, mais ne verbalise jamais ce qu’il ressent. Sans cesse cassé, il souffre, parfois en silence, parfois en s’exprimant vulgairement. Cette vulgarité est son armure, son bouclier contre les décisions à prendre. Brian Tabaka assume justement son rôle. Il est mignon en jeune immature, perdu entre ses sentiments qu’il peine à avouer et son envie d’aimer.

Karine. Elle est la meilleure amie de Betty, celle qui la console, qui lui remet les idées en place. Celle qui lui sauve la vie. Elle n’est pas forcément une confidente ni réconfortante, mais elle est d’une grande aide. Une épaule sur qui Betty peut se reposer, quoi que cette dernière en pense. Karine peine à communiquer, un paradoxe à l’aire d’un monde ultra connecté. Un personnage mesuré bien joué par Géraldine Asselin.

Les thèmes abordés, aussi vastes que variés, regroupent l’amitié, les codes sociétaux, la crise de la quarantaine, la violence, la carrière professionnelle, la réussite, l’image de soi et celle qui est renvoyée aux autres, le jugement perpétuel. Le tout est enrobé d’une histoire d’amour complexe, banale, mais pas sans conséquences. En cela, Betty est une comédie dramatique sur le couple.

La mise en scène, à la fois sobre, recherchée et efficace, a été imaginée par Frédéric Oudart. Il fait évoluer les comédiens au cœur d’un décor unique, l’appartement de Betty, simplement meublé (un lit, une table basse, un canapé, un bar et une chaise de bar). Il a voulu des costumes contemporains, adaptés aux personnalités des personnages : les dernières fringues à la mode pour Karine, un survêtement et un tee-shirt pour Kev, et une robe légère, une nuisette ou un jean confortable pour Betty. Par ailleurs, le metteur en scène a choisi un faible accompagnement musical, servant d’interlude entre les scènes, lorsque le rideau est baissé. Une seule fois, la bande sonore accompagne l’action, avec Le paradis blanc, de Michel Berger. Une chanson bien choisie au vu de la tournure que prend l’histoire à ce moment précis.

Des sourires, des larmes aux yeux, une pièce actuelle comme il en existe peu, qui appuie là où ça fait mal. Des comédiens touchants, bouleversants et époustouflants, pour une soirée théâtrale riche en émotions. À voir absolument !

• Betty, de Carlos Bassano, avec Emma Colberti, Brian Tabaka et Géraldine Asselin. Mise en scène de Frédéric Oudart. Jusqu’au 1er juillet 2018 17 juin 2018. Relâche du 26 au 29 avril. Du jeudi au samedi 21h30, dimanche 19h Les samedis (21h30) et les dimanches (19h). 24€. Petit théâtre du Gymnase, 38 boulevard de Bonne Nouvelle, 75010 Paris. Téléphone : 01 42 46 79 79.


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