Le harcèlement scolaire


Vous vous dites “encore un truc sur le harcèlement scolaire, blablabla, blablabla”. Certes, le sujet est omniprésent, et peut vous agacer. Mais en parler est nécessaire ! Pour que plus jamais des enfants se suicident à cause de ça. Et si j’en parle, ce n’est pas par hasard : je fais partie des anciennes petites victimes… Petite, car quand cela m’est arrivée, j’avais entre 11 et 15 ans. J’étais une ado, paumée comme la plupart, sans armes pour me défendre.

Une poignée de mômes m’embêtaient en primaire, mais sans plus. Là, c’étaient bien des bêtises d’enfants.

Au collège, les choses ont dégénéré. Très vite. Trop vite. Le piège s’est refermé sur moi avant même que je puisse réagir. Lorsque j’ai commencé à dire aux adultes qu’on m’embêtait tout le temps à l’école, tous ont été unanimes : “ce sont des bêtises de gosses, laisse-les dire, ne rentre pas dans leur jeu”. En gros, pour eux, j’étais une fillette fragile, trop sensible. C’était de ma faute, quoi…

Plusieurs fois, j’ai fini en larmes dans le bureau de la CPE. Et j’entendais la même rengaine : ” ce sont des bêtises de gosses, laisse-les dire, ne rentre pas dans leur jeu”. Une seule fois, elle m’a répondu qu’elle était au courant du problème, que je devais venir la voir dès qu’un élève recommençait. Mais que je devais aussi prendre sur moi. Sous-entendu “arrête de pleurnicher, c’est rien”. Ça s’est terminé dans le bureau du principal : “on est au courant, on surveille de près, on agira si nécessaire”. Ils n’ont jamais agi.

Je n’ai jamais changé de classe, ni de collège. Tous m’ont laissée à la merci de mes bourreaux, ces mioches qui avaient le même âge que moi, qui venaient du même quartier. Je me suis sentie lâchée dans la cage aux lions, tel un morceau de viande.

Pendant 4 ans, j’ai subi. En 5e, j’ai cru que les choses s’arrangeraient, mais le harcèlement a repris de plus belle. J’ai été contrainte d’arrêter les cours de théâtre en fin d’année. Je ne supportais plus d’être ailleurs que dans ma chambre… Leurs mots violents s’insinuaient tranquillement dans mon cerveau. Si bien qu’il ne réagissait plus. Il s’est endormi. Tellement endormi qu’en 3e, mes notes ont dégringolé. J’étais dans la moyenne, peut-être qu’enfin, j’allais être tranquille. Eh bien non… Ces monstres n’ont pas abandonné leur proie. Un enfant ne délaisse jamais son jouet. Jamais !

Mes seuls torts : être une excellente élève, porter des lunettes, de ne pas avoir un sac Eastpak® en guise de cartable et un portable au fond de ma poche.

Les années lycée se sont déroulées tant bien que mal, avec cette peur au ventre persistante : et si un autre bourreau se cachait parmi mes camarades ? Je n’arrivais pas à aller vers eux, je ne prenais jamais la parole en classe, même quand une question me taraudait, de peur d’être raillée, comme dans le passé. Je suis devenue l’ombre de moi-même. À fuir dès que la sonnerie retentissait. Lors des rares exposés, j’étais tétanisée. Je passais pour la fille qui ne travaillait pas, qui ne faisait pas d’efforts. J’étais simplement paralysée.

En terminale, ma prof d’Éco a compris qu’il y avait un problème : quand elle me posait des questions en tête à tête, je répondais parfaitement. Mais à l’oral ou devant ma copie, j’étais incapable d’aligner deux phrases cohérentes. C’est comme si je ne savais rien. Mon prof d’Histoire-Géographie aussi, à fini par comprendre que quelque chose clochait. Ils ont été les seuls à m’encourager sur mes bulletins, à m’inciter à poursuivre mes efforts. Je ne les remercierai jamais assez d’avoir cru en moi.

Aujourd’hui, je reste meurtrie par ces quatre années d’enfer. Des nombreux blocages dans mon cerveau ne sont pas déverrouillés. Je peine à apprendre mes cours, à retenir la moindre des choses, je panique lors des partiels, écrits comme oraux, lors d’entretiens. Je n’ai aucune confiance en moi, je doute de tout, tout le temps. Je suis muette comme une carpe face à des gens que je ne connais pas. Je ne sais pas dire les choses. On m’a appris à me taire, alors je ne me confie pas. Je reste avec mes souffrances. Le silence est devenu mon allié…

J’avais des rêves, des envies. Ils ont été anéantis par mes bourreaux. Qui aujourd’hui ont une vie normale. Loin des angoisses…

Lily.

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